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Comme déjà expliqué dans nos nouvelles précédentes, nous avons quelques problèmes avec nos engins et véhicules et compte tenu des contraintes logistiques l’approvisionnement en pièces détachées n’est pas des plus aisé. Mais nous avons commandé en urgence les pièces essentielles et les avons fait envoyer par avion jusqu’au Congo, car même si les frontières sont encore fermées pour les passagers il y a régulièrement des vols cargo qui font la liaison Bruxelles – Kinshasa. Évidemment après il faut encore les faire arriver jusqu’en plantation et cette fois nous avons décidé, qu’exceptionnellement, nous allions affréter un avion spécialement pour cela. En fait ce n’est pas tout à fait exact car comme il y a toujours des tas de choses plus ou moins urgentes à envoyer, cette fois-ci aussi, l’avion était chargé au maximum.
Pour le moment nous n’avons pas de responsable pour le garage, car notre collègue portugais était d’une part bloqué au Portugal où il était parti en vacances depuis la fin de l’année dernière et d’autre part avait des problèmes de santé qui rendaient son retour ici peut-être risqué. Nous avons donc essayé de trouver quelqu’un localement qui pourrait épauler notre directeur huilerie qui pour le moment supervise aussi bien la production d’huile que le garage et l’équipe de construction, ce qui est évidemment trop pour une seule personne surtout en cette période. En parallèle, nous avions contacté le fournisseur d’engins Caterpillar ici en RDC pour leur demander de venir nous assister dans le diagnostic des pannes de nos engins et l’identification des pièces de rechange que nous devrions éventuellement commander.
Afin de profiter de notre avion “spécial” nous avons demandé une dérogation pour permettre à notre “nouveau” responsable de garage de voyager de Kinshasa à Mapangu, en garantissant qu’il ferait d’abord deux semaines de quarantaine et demandé s’il serait possible de permettre aux techniciens de Caterpillar de venir en mission chez nous pendant une semaine. Dans ma logique à moi, l’arrivée de notre responsable de garage ne devrait pas poser trop de problèmes puisqu’il serait mis en quarantaine sous le contrôle des infirmiers de la zone de santé. J’avais de sérieux doutes quant à la possibilité de faire venir les techniciens en mission, puisque ceux-ci seraient forcément en contact avec le personnel du garage et représentant donc un risque plus grand de contamination éventuelle.
A notre grande surprise, au départ de Kinshasa, et ce malgré toutes les autorisations et tous les certificats que nous avions préalablement obtenu, les autorités ont décidé de débarquer le futur responsable du garage et autorisé seulement les techniciens à voyager pour une mission d’une semaine à Mapangu, sans aucune contrainte sanitaire au point qu’ils n’ont même pas du porter de masque alors que ceux-ci sont officiellement obligatoires à Kinshasa… Allez comprendre.
Dans le même avion, au retour, nous avons embarqué toute une série de passagers voyageant “officiellement” pour des raisons de santé, pour lesquels il n’y a pas eu de questions à l’arrivée à Kinshasa. J’avais précédemment sollicité l’autorisation de l’Administrateur du Territoire (AT) pour faire voyager une personne vers Kinshasa par la route, demande qui avait été fermement refusée sous prétexte que l’AT ne pouvait aller à l’encontre des directives du chef de l’état qui stipulent clairement que Kinshasa est isolé et inaccessible. L’une des passagères “malade” qui voyageait vers Kinshasa avec ses deux jeunes enfants dans notre avion avait été recommandée par l’AT, qui à même payé personnellement leur participation aux frais de voyage, j’en ai donc profité pour demander l’autorisation de voyage pour d’autres personnes, ce qui n’a évidemment pas été refusé cette fois-ci. Je présume donc que nos deux techniciens Caterpillar ont les connexions qu’il faut pour voyager malgré les interdictions car pour leur retour, qui se fera par route, des assurances m’ont été données qu’ils n’auraient aucun problème pour quitter le Kasaï et entrer dans la province de Kinshasa.
Ici, en fin de compte les problèmes ne doivent pas être abordés d’un point de vue logique car il n’y en a pas, tout est une question de forme et de connexions (où de motivation adéquate). Comme je suis assez hermétique aux “motivations” les résultats ne sont pas toujours aisés à obtenir, mais j’ai découvert qu’à défaut de payer une motivation ce qui marche assez bien aussi est de suggérer que nous serons obligés de supprimer certains services à cause de notre manque de moyens (il est difficile de refaire les routes sans engins, il est difficile de distribuer de l’eau si les tracteurs n’ont pas les pièces nécessaires, ou encore nous pourrions être obligés de réduire notre personnel si les barges ne sont pas autorisées à accoster pour charger de l’huile). Comme par enchantement beaucoup de blocages disparaissent ou trouvent des solutions immédiates.
Nous avons récemment eu la visite d’une délégation provinciale qui venait contrôler si Brabanta paye correctement les taxes dues à la province. Il faut dire que c’est un sujet épineux car l’autorité centrale a décentralisé un certain nombre de taxes et puis réalisé que le manque à gagner était trop important et ré-accaparé ces mêmes taxes. Évidemment, comme il se doit dans un pays comme la RDC, d’une part le fait d’avoir déjà payé les taxes au niveau provincial n’est pas reconnu par le pouvoir central et d’autre part les autorités provinciales trouvent toutes sortes de prétextes pour malgré tout trouver un moyen de faire payer les dites taxes. Bref, notre délégation provinciale est arrivée avec comme principal leitmotiv le fait que nous ne déclarons pas correctement notre production et faisons donc de l’évasion fiscale. Il faut dire que dans notre huilerie nous avons un bureau de l’Office Congolais de Contrôle dont les trois agents n’ont rien d’autre à faire que de contrôler les quantités d’huile que nous produisons et que nous chargeons dans des barges, service pour lequel ils nous font évidemment payer toutes sortes de droits. Nous avons donc fait valoir que nos chiffres de production, outre le fait qu’ils reflètent la réalité sont contrôlés par un service de l’état présent en permanence dans le site de production (enfin permanent est tout relatif car ces messieurs étant des fonctionnaires, ils ne travaillent donc qu’aux heures officielles et encore). Toujours est-il que manifestement les autorités provinciales ne font pas confiance à leurs collègues de l’OCC qu’ils estiment trop bien payés pour être honnêtes… Ils veulent donc avoir leurs propres experts dans l’huilerie pour vérifier nos dires et nous allons donc avoir un nombre croissant de représentants de l’état dans nos installations qui estiment évidemment avoir besoin d’un bureau, d’accès privilégiés, d’équipements, etc.
Non contents de nous soupçonner de “fausses” déclarations, les autorités provinciales veulent évidemment profiter au maximum de la manne que représente Brabanta, et ici le potentiel de ressources fiscales est basé sur la taille de la plantation et non sur les performances économiques qu’ils ne cherchent même pas à comprendre.
Heureusement toutes ces interférences ne perturbent pas trop les opérations en cours et nous espérons que cela ne fera que s’améliorer avec l’arrivée de nos techniciens.
Nous espérons que ces nouvelles vous trouveront bien et nous espérons aussi, comme d’habitude, recevoir de vos nouvelles déconfinées,
Marc & Marie-Claude
As already explained in our previous postings, we have some problems with our machines and vehicles and given the logistical constraints, the supply of spare parts is not easy. But we have ordered the essential parts urgently and had them flown to Congo, because even though the borders are still closed for passengers there are regular cargo flights from Brussels to Kinshasa. Of course, afterwards they still have to reach the plantation and this time we decided that, exceptionally, we would charter a plane especially for this purpose. In fact, this is not quite right, because as there are always lots of more or less urgent things to send, this time too the plane was fully loaded.
At the moment we do not have a person responsible for the workshop, because our Portuguese colleague was, on the one hand, stuck in Portugal where he had been on holiday since the end of last year and, on the other hand, had health problems which made it perhaps risky for him to return here. We therefore tried to find someone locally who could provide support to our oil mill manager, who for the time being is supervising both the oil production, the garage and construction team, which is obviously too much for one person especially at this time of the year. At the same time, we had contacted the Caterpillar equipment supplier here in the DRC to ask them to come and assist us in diagnosing the breakdowns of our equipment and identifying the spare parts that we should eventually order.
In order to take advantage of our “special” aircraft, we requested an exemption from the authorities to allow our “new” workshop manager to travel from Kinshasa to Mapangu, guaranteeing that he would first undergo a two-week quarantine and also requested the possibility for Caterpillar technicians to come on mission to our premises for one week. In my logic, the arrival of our garage manager should not pose too many problems since he would be quarantined under the control of the local health zone. I had serious doubts, on the other hand, about the possibility of bringing the technicians on mission, since they would necessarily be in contact with the workshop staff and would therefore represent a greater risk of possible contamination.
To our great surprise, when our aircraft was to leave Kinshasa, despite all the authorisations and certificates we had previously obtained, the authorities decided to disembark the future garage manager and only authorised the technicians to travel for a week’s mission to Mapangu, without any health constraints, to the point that they did not even have to wear masks even though these are officially obligatory in Kinshasa . Go figure.
On the same plane, on the way back, we picked up a whole series of passengers travelling “officially” for health reasons, for whom there were no questions asked on arrival in Kinshasa. I had previously requested permission from the Administrator of the Territory (AT) to have someone travel to Kinshasa by road, a request that was firmly refused on the pretext that the AT could not go against the directives of the Head of State, which clearly stipulate that Kinshasa is isolated and inaccessible. One of the “sick” passengers travelling to Kinshasa with her two young children on our plane had been recommended by the AT, who even paid their participation for the travel expenses personally, so I took the opportunity to request travel authorisation for other people, which was obviously not refused this time. I therefore assume that our two Caterpillar technicians have the connections needed to travel despite the official restrictions, because for their return, which will be by road, I have been given assurances that they will have no problem leaving Kasai and entering the province of Kinshasa.
Here, in the end the problems should not be approached from a logical point of view because there are none, it is all a question of form and connections (or adequate motivation). As I am quite impervious to “motivations” (read bribes) the results are not always easy to obtain, but I have discovered that if we don’t pay motivations, what works quite well too is to suggest that we will be forced to cut some services because of our lack of means (it is difficult to rebuild roads without machinery, it is difficult to distribute water if the tractors don’t have the necessary parts, or we might be forced to reduce our staff if barges are not allowed to dock to load oil). As if by magic many blockages disappear or find immediate solutions.
We recently had the visit of a provincial delegation that came to check whether Brabanta was paying the taxes due to the province correctly. It must be said that this is a thorny issue because the central authority decentralized a number of taxes and then realized that the shortfall was too great and reappropriated these same taxes. Of course, as it should be in a country like the DRC, on the one hand, the fact of having already paid the taxes at the provincial level is not recognized by the central authority and, on the other hand, the provincial authorities find all sorts of pretexts to find a way to make us these taxes to the province. In short, our provincial delegation arrived with the main leitmotif being that we do not declare our production correctly and therefore evade taxes. It must be said that in our oil mill we have an office of the Congolese Control Office whose three agents have nothing else to do but to control the quantities of oil that we produce and that we load into barges, a service for which they obviously make us pay all sorts of fees. We have therefore argued that our production figures, apart from the fact that they reflect reality, are controlled by a state service permanently present at the production site (well, permanent is relative because these gentlemen are civil servants, so they only work during official hours and so on). Still, the provincial authorities obviously do not trust their CCO colleagues whom they consider too well paid to be honest… So they want to have their own experts in the oil mill to verify what we are saying, as a consequence we are going to have a growing number of government officials in our facilities who obviously feel they need an office, privileged access, equipment, etc.
Not content with suspecting us of “false” declarations, the provincial authorities obviously want to make the most of the manna that Brabanta represents, and here the potential for fiscal resources is based on the size of the plantation and not on the economic performance that they don’t even try to understand.
Fortunately all this interference does not disrupt the ongoing operations too much and we hope that this will only improve with the arrival of our technicians…
We hope that this news will find you well and we also hope, as usual, to receive news from your easing lockdown,
Marc & Marie-Claude
One reply on “Logique – Logic”
Bonjour vous deux, c’est la première fois que je vous réponds depuis le temps que je reçois avec beaucoup de bonheur de vos nouvelles du Kasaï.
J’ai passé mon enfance au Katanga de 1953 à 1959, juste avant cette indépendance bâclée où “on” nous a imposé de tout lâcher en l’état sans aucune instruction de continuité pour tout ce qui fonctionnait parfaitement.
Résultat, plus rien de tou cela ne fonctionne et il est impossible de redémarrer toute cette infrastructure sans tout démolir et reconstruire puisque aucun entretien ni maintenance élémentaire n’y a été apporté depuis le 30 juin 1960 !
Là où j’habitais sévissaient déjà des agitateurs pilotés par les sbires de notamment Lumumba, pourtant nous étions très bien intégrés avec toutes les petites communautés diverses de brousse, étant très peu nombreux et vivant dans ce qu’il est devenu commun d’appeler “le triangle de la mort” depuis tous les massacres pertétrés dans une zone de non-droit, abandonnée de tous. Situé dans ce triangle Pwepo, Manono et Mitwaba nous avions le siège principal de la société SERMIKAT (société d’Exploitation et de recherches minières du Katanga), principalement orientée sur l’étain et ses dérivés (dont le coltan, Colubium-tantale jointif à l’étain sous forme de cassitérite ou dioxyde d’étain – SnO2- dans des gites quartziques).
La société, pilotée par le CSK (comité spécial du Katanga créé par le roi Léo II et régissait le territoire du point de vue des répartitions des zone d’activités diverses) dépendait partiellement de l’UMHK, comme de nombreuses sociétés connexes.
Merci de vos envois qui me rappellent très aisément cette période de débrouille permanente dans un pays immense où il manque toujours quelque chose qui doit arriver . . . mais quand ?
Mi na sema weye kwaheri na iko ndukus yotè mu mpori !
Serge
PS : Vous trouverez en attaché les scan’s d’extraits de la carte routière Mobil du “Congo belge de 1953-1956”
Si nécessaire, je peux scanner d’autres extraits, à la demande.